Futur de la Bionique ? Le Cerveau Modulaire

La bionique, science cérébrale du futur ?

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La bionique, science cérébrale du futur ?

C’est là un pari peu risqué. Mais qu’est-ce que la bionique ? Terme pour le moins exotique, elle est l’étude des systèmes biologiques à divers niveaux d’organisation (cellulaire, tissulaire, comportemental ou sociétal) afin de transposer certains mécanismes biologiques à nos technologies. Ce transfert de capacités est facilité par le caractère matériel et mécanique des deux intervenants : la biologie et la technologie (incluant notamment la mécanique, l’électronique et l’informatique).

Avons-nous réellement besoin d’aller chercher du côté de la biologie pour améliorer nos technologies ? Malgré toute notre prétention, les meilleures machines sont toujours les organismes issus de la sélection naturelle (Long, 2012). Fruits de plusieurs millions d’années de sélection, les mécanismes adaptatifs d’une espèce ont toutes les chances de nous en remontrer.

Un exemple ? Prenons la marche. Un phénomène que l’ensemble des humains maîtrise dès la fin de première année de vie (Schaffer, 2007). Toutefois, chez les robots, il est toujours en cours d'acquisition après des décennies de recherche acharnée. Marcher reste simple quand on possède et le corps et le système cognitif adéquat.

Qu’en est-il des résultats issus de la bionique ? En un mot : envoûtant.

Le principal développement se fait au niveau médical : bras, jambe, coeur et oeil. D’autres domaines ne sont pas en reste : voir une peau électronique ou un robot de type canin.

Ces dernières évolutions technologiques n’interviennent toutefois en rien dans notre réalité subjective, si ce n’est indirectement. Comme les organes, les prothèses bioniques servent à satisfaire un système nerveux dont elles ne sont que les outils. Le système nerveux, regroupant le cerveau, la moelle épinière et les nerfs périphériques, est dit primordial puisqu’il est l’une des sources primaires sans laquelle nous ne pourrions simplement pas être.

A la différence de notre système nerveux, l’environnement – bien que fondamental – n’est toutefois pas assujetti à devoir faire acte de présence, et ce, de façon permanente pour que nous « soyons ». Moyennant un certain contexte, l’environnement devient négligeable et peut être remplacé par une réalité virtuelle. Que nous fermions les yeux, notre conscience n’apparait et ne disparait pas au rythme des battements de paupières.

Que se passerait-il si cette technologie se confondait au corps, de sorte que parler d’un environnement extérieur ne fasse plus sens ? Si, au lieu d’utiliser des outils médiant un souhait du cerveau, nous modifiions directement ce cerveau ?

Rien de révolutionnaire : médicaments, drogues, nourriture, apprentissages, etc., en réalité nous modifions sans cesse le cerveau. Pire, il est lui-même à la source de ces changements. La bionique cérébrale serait simplement un moyen plus rapide, intense et précis d’obtenir ce à quoi, nous – des cerveaux –, aspirons.

Et c’est exactement ce à quoi s’emploie la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), une agence gouvernementale militaire américaine dédiée à la recherche de technologies révolutionnaires. Elle est ainsi impliquée dans la recherche neuroscientifique, avec pour objectifs :

  • Détecter : développer des diagnostics, modèles et appareils pour caractériser et diminuer les menaces affectant le cerveau humain.
  • Recréer : s’inspirer des réseaux fonctionnels neuronaux pour aider à recréer leur fonctionnalité.
  • Restaurer : rétablir les fonctions cognitives et physiques perdues à la suite de blessures cérébrales et corporelles.
  • Améliorer : développer des systèmes transplantables permettant l’accélération des apprentissages et l’amélioration des fonctions cognitives et physiques.

Cette évolution serait toutefois sans précédent dans l’histoire de l’humanité. À tel point qu’il est impossible de donner les implications psychologiques, relationnelles, sociales, culturelles, technologiques, économiques et sociétales, sinon que la bionique aura un impact majeur. Des termes aussi simples et importants que « vieillissement », « identité » ou « fantasme » pourraient voir leurs significations radicalement étendues ou redéfinies.

Ce faisant, elle implique aussi des risques importants de perte démocratique par les possibilités de manipulation cognitive. Elle sera aussi possiblement source de désarroi par la remise en cause de certaines philosophies, des corps et des systèmes sociaux.

Plus qu'une évolution ou révolution des technologies, elle nous questionne aussi sur la philosophie à tenir, modifier ou inventer :

  • Si nous pouvions remplacer toute partie d'un organisme humain – dont le cerveau – par des prothèses artificielles, mêlant mécanique et informatique, et sans que nos capacités physiques et mentales n'en soient gravement altérées, faisant ainsi de nous des machines… Quelles différences y aurait-il entre nous et les robots actuels ?
  • Si, après avoir échangé un corps de chair pour un autre de silicone, nous nous sentions comme nous l’avions été dans celui de chair, cela ne nous pousserait-il pas à repenser la différence chair/silicone comme superflue ?
  • Et si cela devait arriver, ne serions-nous pas tentés de renverser la conception « nous sommes devenus machine » par « nous avons toujours été machine » ? Suivant ce cadre, le corps organique serait ainsi perçu comme une simple variante d'un système aux multiples supports possibles : corps d’acier, de chair, de silicone, etc. L’expression même de « fusion humain-machine » ne serait donc plus du tout pertinente.

Image d'un corps humain stylisée

Beaucoup de « si » qui mettent en lumière l'importance que sera amené à prendre le matérialisme en cas de confirmation, et ceci aux dépens des religions et autres philosophies dualistes. Paradoxalement, la philosophie matérialiste pourrait bien mener à une transcendance. Une chose qui ne lui était nullement prédestinée au contraire de certaines idéologies surnaturelles contre lesquelles elle fut de tout temps opposée.


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