Le streaming légal : une alternative intelligente au piratage ?

Avec la recrudescence des plateformes de streaming qui pointe le bout de leur nez cette année, le téléchargement illégal risque-t-il de disparaitre aux profits de solution légale ? Tour d’horizon de l’avenir du streaming et du téléchargement.

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Avec la recrudescence des plateformes de streaming qui pointe le bout de leur nez cette année, le téléchargement illégal risque-t-il de disparaitre aux profits de solution légale ? Tour d’horizon de l’avenir du streaming et du téléchargement.

Le 15 septembre 2014, la Belgique, l’Allemagne, Le Luxembourg, l’Autriche et la France ont vu arriver le service de streaming Netflix, une plateforme de vidéo à la demande basé sur le streaming, soit la vision d’un film, série, anime, directement via son navigateur/application, sans avoir besoin de télécharger l’œuvre ou de la louer comme c’était déjà le cas avec les plateformes de VOD et comme le fait encore Sony avec son service de vidéo à la demande. Le monde audiovisuel numérique a changé, créant un bouleversement sans pareil dans le monde médiatique français en redéfinissant le concept de télévision, faisant craindre aux nombreuses chaînes françaises une diminution du nombre de spectateurs et les obligeant à s’adapter à l’environnement numérique évoluant à une vitesse folle.

Deux ans après, le 14 décembre 2016, le géant américain Amazon lançait dans plus de 200 pays dans le monde son propre service de SVOD, Amazon Prime Vidéo. Si il y a encore un an le service peinait encore à trouver sa place et à proposer des œuvres intéressantes – il suffit de voir le nombre de pilotes que la chaîne a soumis à ses internautes pour s’en convaincre – depuis quelques mois, Amazon surfe petit à petit sur le succès grâce notamment à des séries comme The Man in the High Castle, American Gods, Electric Dreams et prochainement avec les séries Tremors ou Le Seigneur des Anneaux qui lui promettent un avenir des plus radieux.

Capture d'écran du service Amazon Prime Video
Capture d'écran du service Netflix

Et si le service Amazon possède l’avantage d’avoir un prix extrêmement concurrentiel par rapport à son concurrent Netflix (5,99€ pour Amazon contre 7,99€ pour Netflix), tout en proposant la livraison gratuite et en moins de 24h en cas d’achat sur Amazon.fr, l’offre Prime n’est pas à la hauteur de Netflix. Pas seulement au niveau du catalogue – qui propose tout de même tous les grands classiques comme Indiana Jones, Ghostbusters, Men in Black, Jurassic Park et tant d’autres – que pour sa prise en main dépassée, ses services de traduction digne d’un Google Traducteur ancestral qui ne permettent pas d’apprécier un bon film en VO sans se retourner le cerveau avec une traduction mots à mots des plus hasardeuses. Je vous conseille pour constater l’échec du service de regarder en VO la série Community, Once Upon a Time (vous n’aurez pas le choix au bout d’un moment) ou pire encore, le film Comment ne pas faire un film d’horreur, qui devrait vous achever en un quart d’heure grand maximum à cause de ses sous-titres minables. Et même si le service s’est amélioré il y a quelques jours au niveau de son interface graphique, regarder une série que vous avez déjà vue restera une misère, vous proposant toujours de visionner le dernier épisode de la saison, même si vous venez juste de la recommencer. Un gâchis qui oblige le spectateur à toujours se rappeler à quel épisode il en est alors que sur son concurrent Netflix, le problème ne s’est jamais posé.

Avec l’émergence de ses deux services de streaming permettant pour un coût attractif total de 13.98€ par mois de profiter d’un catalogue immense de film et série, d’autres acteurs ont décidé de se lancer dans la course à la SVOD et de récupérer une part de marché. HBO, Warner Bros, Disney, Apple et CBS s’apprêtent à lancer leur propre service de SVOD chacun cette année. En comptant une moyenne de prix de 10€ mensuel par service, on monte déjà à quasiment 65€ pour pouvoir avoir accès à un catalogue de contenu audiovisuel conséquent.

Et là on ne parle que de streaming audiovisuel. Il y a de la concurrence en video mais aussi dans le streaming musical comme Deezer, Spotify, Soundcloud, Apple Music, et plein d’autres encore. Mais également au niveau du streaming d’anime comme avec Anime Digital Network ou Crunchyroll, mais aussi dans les comics avec des plateformes comme Comixology (appartenant à Amazon), Marvel Comics ou DC Comics. Surtout que des services de streaming lié aux jeux vidéo sont également sortis comme avec le PSNow et tous les autres services en cours de création.

Capture d'écran du service Deezer
Capture d'écran du service Comixology

Le streaming légal est-il une alternative intelligente au piratage ?

On m’aurait posé la question il y a quelques années, j’aurais clairement dit oui. Lorsque Netflix est arrivé en France, proposant un service de SVOD innovant, j’étais persuadé que les éditeurs allaient se ruer sur cette plateforme pour garder un contrôle sur la diffusion de leurs œuvres et ainsi pouvoir les proposer au plus grand nombre, concurrençant voir même en éliminant le téléchargement illégal. Naïf que j’étais. Mais le problème inverse s’est créé et tous les éditeurs souhaitent proposer eux même leur contenu, ce qui est parfaitement louable, mais qui pousse également au piratage pour pouvoir avoir accès à du contenu sans être obligé de dépenser une journée de travail complète au SMIC brut pour voir une œuvre qui au final ne nous plaira pas forcément.

Pour autant, comme le prouve cet article de Numerama, les plateformes de streaming ont quand même la côte au niveau musical, SI et seulement si l’offre légale est de qualité. Et dans le domaine musical, l’offre est de très bonne qualité. On peut trouver quasiment n’importe quel album de n’importe quel groupe sur les différentes plateformes. Au final, ce n’est que le service proposé qui joue en leur faveur aussi bien en termes de serveur, que de fonctionnalité et de coût bien entendu. Et du côté de la vidéo, l’offre de qualité commence à rétrograder. Si Netflix à ses débuts possédait des atouts imparables comme la série Chuck, The Big Bang Theory, Doctor Who, Farscape, mais également les séries en co-production avec Marvel, depuis quelques mois le catalogue s’amenuise et la société de Reed Hastings n’a pas su voir venir le déclin de son catalogue. C’est Amazon Prime qui a récupéré les droits de diffusion des séries citées précédemment. Il ne reste quasiment plus d’atout indéniable pour Netflix à qui il ne reste qu’une structure et des fonctionnalités surpassant encore tout ce que la concurrence peut proposer. Chaque éditeur décidant de se lancer dans l’aventure en solo. Et si concrètement on ne peut pas critiquer leur décision sans connaître les termes exacts des différents contrats passer entre les services de SVOD et les éditeurs au niveau pécuniaire, on peut cependant voir quel impact cela va avoir dans la balance Streaming Légal VS Piratage.

Comment le piratage a permis la création du SVOD et comment le SVOD nourrit le piratage

Afin de comprendre l’impact du téléchargement illégal sur la SVOD et inversement, il faut bien comprendre ce qui pousse les gens à télécharger illégalement, sans hypocrisies non plus. On connaît tous ou on a tous connu quelqu’un qui télécharge des fichiers illégalement. Reste à savoir pourquoi. Le prix est clairement le point qui revient le plus en premier. Et même si c’est vrai, c’est trop facile de n’évoquer que ce point. Le téléchargement illégal, à une époque où la SVOD n’existait pas encore, permettait de se procurer une œuvre sans bouger de chez soi et instantanément (dans le sens où il n’y avait pas de délai de livraison, juste des délais de téléchargement). Et avec l’émergence d’internet, on pouvait avoir accès à des films que l’on ne trouvait pas dans son supermarché local, sur internet à des prix décents, ou des films qui n’était pas sorti du tout dans notre pays. C’est donc un accès à la culture immédiat, bien qu’illégal. Et les débits de l’époque n’empêchaient personne de télécharger une œuvre même s’ils devaient attendre 7 jours avec Emule ou encore 7 heures peu de temps après avec l’arrivée du 1Mo/s.

L’émergence de programme de P2P tel que Emule ou Limewire battaient son plein et il n’était pas rare de télécharger un film de Disney et de se retrouver avec un film de cul précédemment renommé soit, parce que le mouvement troll en était à ses balbutiements, soit pour cacher son amour pour le X à sa femme ou à son homme. La justice s’est rapidement intéressée aux services de P2P et il n’était pas rare de lire sur la toile que des lettres de mise en demeure étaient envoyées par la gendarmerie pour téléchargement illégal. Je connais personnellement une personne qui a reçu cette fameuse lettre. Les pirates et la population ont vite trouvé son nouveau mode de consommation et ont réussi à s’adapter en adoptant le DDL, le direct download pour ceux qui ne connaissent pas le terme. C’est grâce à cette pratique que des sites comme Zone-Téléchargement ou Planète Lolo à l’époque ont pu se faire un nom. Ses sites ont surfé sur l’émergence des plateformes d’hébergement tout public comme Megaupload, Uptobox, 1fichier et ceux de leur FAI comme Free, Orange pour uploader des films et séries avant d’envoyer le lien à leur proche ou sur internet plus globalement.

Capture d'écran d'EmuleCapture d'écran de Limewire

On peut voir dans cette pratique une sorte de rapprochement culturel basé sur le partage. L’utilisateur a vu un film qui lui a plu, il le partage à ses proches comme il peut. C’était d’ailleurs à l’époque la grande mode des DiVX et de la gravure. Et avec l’augmentation des débits internet, des services vidéo, sont nées les plateformes de streaming. Des sites comme Allo Streaming à l’époque permettaient de regarder les séries en US+24, sous-titrés par des passionnées comme c’est encore globalement le cas de nos jours et donc d’augmenter la portée de ses œuvres à l’international. Je suis convaincu encore maintenant que, même si le piratage a fait du mal aux portefeuilles des éditeurs lors de la diffusion des épisodes, le partage de ses épisodes a pu créer des communautés de fan qui se sont ruées sur les produits dérivés une fois commercialisés ou encore de faire ressortir des séries qui n’était plus diffusés comme avec la première série Doctor Who et donc, recréer un engouement et lancé la nouvelle vague qui cartonne depuis 2005.

Et si le streaming était vanté comme étant une solution légale de piratage du point de vue du consommateur qui, “naïvement”, ne regardait qu’une vidéo sur internet, de nombreux sites ont profité de l’engouement pour s’enrichir grâce aux pubs et nombreux pop-up qui spammait les internautes. Certaines personnes généraient plusieurs millions d’euros par an juste en publicité. À l’heure actuelle, les sites de téléchargement et de streaming sont aux coudes à coudes en ce qui concerne la fréquentation bien qu’une légère augmentation de la popularité des services de streaming est à constater en raison de la fermeture de nombreux sites de téléchargement par la justice.

En ce qui concerne l’offre légale de SVOD, celle-ci propose une alternative intelligente au piratage dans le sens où elle permet d’avoir accès à un catalogue relativement conséquent, n’importe où et n’importe quand notamment grâce à la possibilité de voir ses films et séries sur son mobile et en hors-ligne, tout en permettant grâce aux réseaux sociaux et au partage de compte Netflix d’en faire profiter ses proches pour très peu d’argent. En 2009, Netflix possédait un catalogue de plus de 100.000 titres. Mais de par l’émergence des plateformes de SVOD, l’augmentation du nombre d’abonnements qu’il va falloir payer prochainement et la chronologie des médias, qui empêche d’avoir une œuvre rapidement sur les plateformes de SVOD pour permettre aux chaînes de pouvoir diffuser du contenu, il va bientôt être quasiment impossible de pouvoir avoir accès à tous ses catalogues qui vont proposer des contenus originaux pour appâter le client. Mais en termes de culture, toutes ses offres sont restrictives dans le sens où il faudra faire un choix de ce que l’on peut regarder alors que l’on a la possibilité, bien que ce soit par des offres illégales, de ne plus être limité.

Alors, quelle solution choisir ?

Là encore c’est difficile. Pour un geek classique, fan de série, de cinéma, de littérature, d’anime et un peu mélomane sur les bords, il lui faut donc payer un abonnement Netflix et/ou Amazon Prime (je recommande personnellement de prendre les deux. Ce n’est pas excessivement chère et vous êtes livrés en 24h par Amazon sans payer de frais de port), un abonnement Crunchyroll/ADN (bien que des options gratuites avec pub existe), le paiement des œuvres sur Comixology/Marvel/DC Comics et un abonnement Deezer, Spotify ou autre. La somme monte rapidement.

On se retrouve donc à payer minimum 7,99€ pour Netflix pour l’offre de base, un abonnement à 5,99€ pour Amazon Prime, un abonnement Crunchyroll à 4,99€ par mois et/ou un abonnement ADN pour minimum 6,99€, un abonnement à 9,99€ en moyenne pour un service de streaming musical plus chaque manga/comics que l’on souhaite lire sur Comixology et ses confrères. On est déjà à quasiment 35€ sans compter les tomes sur les services de streaming. Ce n’est pas encore trop chère, c’est le prix d’un abonnement internet/téléphone/télévision qui se respecte. Mais avec les éditeurs qui retirent leurs œuvres de ses plateformes pour les proposer sur leurs services respectifs, augmentant ainsi le nombre d’abonnements, la facture devient rapidement salée et on retourne aux fondamentaux pour rester cultivé : on se tourne vers le téléchargement illégal. C’est le serpent qui se mord la queue.

Que faire pour améliorer les choses ?

Malheureusement, nous ne sommes “que” consommateurs et il nous est quasiment impossible de faire changer les mentalités des éditeurs qui ne pensent que par le profit. Car si les magasins de vente de DVD, CD, livres et jeux vidéo d’occasions sont à la mode depuis quelques années, permettant de ne pas télécharger illégalement des œuvres, les grands acteurs culturels actuels prennent petit à petit la décision de dématérialisé l’offre, entrainant sur le long terme une disparition du marché de l’occasion, du prêt et de l’échange légal au profit de l’achat constant d’œuvre qui, si cette dernière ne génère pas suffisamment d’argent, se verra irrémédiablement disparaitre.

Imaginer à quoi se serait résumé la carrière de John Carpenter sans le marché de la VHS et donc de l’occasion à l’époque, à quoi aurait ressembler le cinéma fantastique sans les cinémas de quartier qui permettaient de découvrir des œuvres désormais culte ? Sans ça, nous ne serions véritablement pas là !

Donc oui, le streaming légal est une alternative intelligente au piratage. Ce sont les offres proposées qui ne le sont pas encore suffisamment.

Image d'entête de l'article par Pexels de Pixabay


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