La romancière québécoise Mel Gosselin nous fait part de ses projets dans une interview inédite !

Mel Gosselin se définit d'abord et avant tout comme étant une geek passionnée par l'animation japonaise, le cosplay, le cinéma, la bande dessinée et les jeux vidéo.

Écrit par le
Temps de lecture : 20 min

Mel Gosselin se définit d'abord et avant tout comme étant une geek passionnée par l'animation japonaise, le cosplay, le cinéma, la bande dessinée et les jeux vidéo.

Auteure de la fiction historique Cétacia, publiée en 2011 et remarquée par la critique littéraire pour son originalité et ses scènes poignantes, elle s'inspire cette fois du rétrofuturisme pour créer l'univers insolite de Jacky Salaberry qui narre les aventures d'une apprentie collectionneuse de virus qui parcourt le monde à bord d'un carrousel ambulant pour capturer de rares spécimens viraux.

C & J : Vous êtes une passionnée de mangas, d’anime, de jeux vidéo, de fantasy et science-fiction, et vous vous êtes lancées dans la littérature. Mais y a-t-il eu un déclic ? Quelque chose qui vous a poussé à écrire à un moment précis de votre vie ?

M.G. : En fait j’ai commencé à m’intéresser à la littérature au secondaire (c’est-à-dire au lycée). Je n’avais pas vraiment le choix car j’ai été beaucoup victime d’intimidation. Les autres élèves n’étaient pas gentils avec moi, je n’avais pas beaucoup d’amis et c’était difficile de m’intégrer. J’arrivais dans une nouvelle école aussi… J’allais me réfugier à la bibliothèque et c’est là que j’ai commencé à me promener dans les rayons, et à y prendre des livres. J’ai commencé à m’intéresser aux classiques comme Charles Dickens, Victor Hugo, etc. En plus c’était au début des années 2000 donc quand il y a eu la grosse vague sur Harry Potter. Tout le monde lisait Harry Potter, et tout ça. Et de fil en aiguille j’ai décidé de me mettre à écrire aussi. J’ai commencé à m’intéresser pas mal au français aussi, parce que j’étais vraiment nulle à l’école. Je me suis intéressée à ce que je lisais et j’ai pu développer mon style à partir de là. Mais c’est sûr qu’on parle d’histoires écrites par une adolescente donc ce n’était pas original et pas très intéressant. Evidemment je n’envoyais rien à des maisons d’éditions. Au début, c’est-à-dire il y a environ une dizaine d’années, j’ai débuté l’écriture de « Cétacia », qui était ma première série en deux tomes. Je me suis beaucoup inspirée des animes de mon enfance comme « Rémi sans famille ». Je voulais vraiment écrire une histoire tragique, mais qui avait aussi un côté fantastique, parce que c’est quelque chose d’important pour moi, qu’il y ait un peu de magie et de fantasy. Au final j’ai écrit cette histoire à temps perdu, c’est pour cela que ça m’a pris du temps. Et puis je voulais me publier à compte d’auteur, parce que j’avais peur que mon manuscrit ne soit pas retenu. Je lisais les statistiques de publications, et je savais que les auteurs ont très peu de chance d’être pris à cause des critères de sélection très stricts. Mon rêve était de tenir mon livre entre mes mains, donc je voulais tout faire pour y parvenir. Mais entre-temps, il y a une maison d’édition qui était intéressée par mon manuscrit. Donc je n’ai pas eu à me casser la tête, ni à faire des dépenses. Ils se sont occupés de tout et finalement, trainée de poudre, j’ai gagné le prix des « Arts et cultures Desjardins » pour cette série-là. J’ai été vraiment contente et j’ai eu aussi de très bonnes critiques dans les journaux. C’est un peu ça qui m’a permis de débuter ma carrière, si je peux le dire comme ça. Car au Québec, je ne peux pas vivre seulement de ça. Il est rare que les écrivains vivent de leur plume. Donc en parallèle je suis enseignante de français. L’été j’écris, et l’hiver j’enseigne ! (elle rit)

C & J : D’ailleurs, c’est une voie que beaucoup considèrent comme risquée… Vos proches vous ont-ils soutenus dans votre projet ?

M.G. : Mon père m’a toujours encouragée, mais ne voulait pas que ça devienne une obsession. Il savait. Il m’a dit de ne pas étudier en littérature ni tenter de faire vraiment carrière là-dedans. Mais j’ai aussi les pieds sur terre et dès le début je savais à quoi m’attendre. J’ai parlé avec d’autres auteurs, et on est tous dans la même situation au Québec. Il y a peut-être un ou deux auteurs qui peuvent vivre de leur plume mais c’est tout. Car c’est aussi un petit marché, et ce n’est pas évident. Donc mon père m’a poussée à écrire, mais comme un passe-temps. Il m’a conseillé de ne pas concentrer mon énergie là-dedans, et d’étudier aussi pour avoir un travail.

C & J : Vous parlez beaucoup de l’industrie du livre au Québec, mais pensez-vous que c’est différent par rapport à la France ? Que cela fonctionne moins ici ?

M.G. : Eh bien déjà, la France a une grande tradition autour de la littérature, avec des grands auteurs, et des maisons d’éditions qui ont réussi à se faire connaître. De suite, on pense à Gallimard, par exemple, et toutes ces maisons reconnues qui existent depuis 100 ou 200 ans. Et la France a aussi un marché beaucoup plus intéressant et plus grand. Mais c’est proportionnel, car nous sommes 6 millions au Québec, contre 66 millions de français ! C’est sûr que le bassin est différent. Par contre, de ce que j’ai entendu -mais ce sont surtout des « Oui dire », et je ne veux pas mettre ma main au feu sur ça- c’est qu’au Québec il y a beaucoup plus de petites maisons d’édition, par rapport à notre population. Donc c’est plus facile pour un québécois de se faire publier mais c’est sûr qu’il n’aura pas l’exposition qu’a un français qui publie en France. Mais malheureusement le marché français est très fermé donc il y a très peu de livres québécois qui arrivent à passer les frontières, ce qui est dommage car au final il y a tout un échange de culture qui ne se fait pas, alors que de notre côté, nous avons beaucoup de livres d’auteurs français. Mais c’est peut-être aussi car le Québec est encore « jeune », comparé à la France, avec une société encore très jeune, qui a mis du temps à s’élever et à faire ses preuves. Les maisons d’édition ont commencé à pousser dans les années 1960 donc c’est assez récent.

C & J : Et effectivement en France on a toute une tradition autour de la littérature… En plus, il est vrai qu’en librairie, on voit rarement des romans étrangers, à part les grands auteurs. Ce qui marche plus, ce sont les romans d’adolescents…

M.G. : C’est vrai. C’est un marché très protégé et c’est dommage. Côté BD, la France est aussi très riche, avec la Belgique, mais c’est plus facile de se faire éditer. Je sais qu’il y a beaucoup d’auteurs québécois qui publient dans des maisons d’édition françaises. Je connais quelques noms qui travaillent avec Soleil et tout ça, des maisons d’édition spécialisées dans la BD, parce qu’ici il y en a très peu. Le marché n’est pas très bon de ce côté. C’est très différent au final, même si on parle la même langue !

C & J : Vos deux œuvres principales sont liées à l’histoire du Québec, même si Jacky Salaberry s’en éloigne un peu. Seriez-vous une passionnée d’histoire, en plus d’être une grande littéraire ? Et pourquoi se concentrer sur le Québec ?

M.G. : Oui, beaucoup. J’adore l’histoire et j’essaie de mettre toujours une petite touche historique dans mes romans ! Mais pas seulement historique. Pour moi c’est important que l’histoire que je créé soit plausible et crédible. Je peux me permettre de faire du fantastique, car c’est de la fiction, mais je veux que les gens se demandent si ce qui se passe dans mon univers s’est réellement produit ou non. J’aime mettre le doute par le réalisme. On peut se permettre d’inventer beaucoup quand on est dans la fiction mais même dans ma série « Jacky Salaberry », qui est plus fantaisiste, et qui se passe dans un univers parallèle, je reste dans un contexte biologique, avec les virus. Et même si je n’ai aucune notion en biologie, j’ai fait des recherches pour faire quelque chose de réaliste. Si un spécialiste lisait, il verrait que j’ai pris la peine de m’informer. J’ai peut-être fait des erreurs mais on est tout de même dans la fiction !

J’adore rechercher. Quand j’ai une idée de projet et que je mets tout en place pour m’inspirer, j’adore aller dans les bibliothèques, chercher sur internet, etc. J’aime cette partie-là car plus on apprend, plus on lit, plus on a d’idées pour plus tard ! On se dit « ah oui je pourrais utiliser ça » ou « ah je pourrais faire ça, ou ça ». Et en même temps j’apprends.

Par exemple, dans un de mes livres, j’utilise le basque, car un de mes personnages est basque. C’est une langue que pratiquement personne ne connait, c’est rare et il n’y a qu’une petite population en Espagne et en France qui le parle. Mais comme j’ai étudié en linguistique, les langues et leurs origines sont un domaine qui m’intéresse beaucoup. Et même si je sais que je n’aurais pas de lecteur basque, j’ai fait valider mes phrases par un locuteur basque, car c’est important pour moi. Je me suis essayée dans des dictionnaires en ligne, mais je les ai quand même faite valider par un basque. Et puis je ne voulais pas qu’il y ai écrit « bacon, fromage ! » (elle rit).

C & J : Nous parlions d’histoire, et votre série Jacky Salaberry se déroule au début du XXème siècle. Est-ce une époque qui vous passionne plus qu’une autre, au-delà du fait qu’elle soit liée à l’univers steampunk ?

M.G. : Oui j’aime beaucoup cette époque. Mais en fait quand j’invente une histoire, c’est souvent le fruit d’un cocktail. Des fois j’ai des idées de concept, mais je ne sais pas quoi faire avec. J’avais lu des livres à propos du Pont de Québec, qui est un monument important de notre histoire et je voulais écrire dessus. Nous savons qu’il est déjà tombé, et j’ai fait des recherches là-dessus. Mais je ne savais pas quoi faire d’une histoire sur la chute d’un pont. Alors j’appelle ça des viandes froides, c’est-à-dire que j’écris les concepts, et je les garde pour plus tard. Pour l’histoire des virus, c’est que j’ai déjà été secrétaire dans un centre de recherche microbiologique, et c’est ça qui m’a donné l’idée. Je me suis dit que j’allais faire une histoire avec des virus personnifiés. Donc j’avais noté ça en me disant qu’un jour cela porterait peut-être ses fruits. Et le steampunk est un genre qui me fascinait, même si je n’en suis pas passionnée. Je trouve le look vestimentaire intéressant. Du coup, j’ai mis ces trois idées dans un mélangeur et ça a donné « Jacky Salaberry ». Le pont de Québec me sert de début à l’intrigue, puis cela se passe dans un cadre steampunk. Et enfin, il y a des virus personnifiés. Donc voilà, c’est comme ça que ça fonctionne !

C & J : Vous nous avez dit que vous adorez les illustrations. Est-ce que le monde de la bande dessinée vous intéresse ou préférez-vous rester sur le format roman ? Ou pensez-vous un jour vous essayer à créer une BD ?

M.G. : Justement je suis en train d’écrire une BD avec une co-auteur, co-illustratrice. Elle m’a approchée l’an dernier car elle aime beaucoup dessiner et elle voudrait faire une BD. Mais elle m’a dit qu’elle n’avait jamais d’idées, donc elle m’a proposé de collaborer ! Là nous sommes en train de monter un projet ensemble, et c’est très visuel donc j’adore vraiment. Je peux me permettre de faire plein de choses. J’écris les bulles, je lui décris la scène que je veux faire, et ensuite elle la dessine. Je lui ai même fait des fiches de personnages mais je lui laisse aussi beaucoup de liberté car c’est une co-production. Elle y met aussi sa touche personnelle, et je lui ai dit qu’elle pouvait me dire si elle n’aime pas tel ou tel look de mes personnages, si elle veut changer des choses. Je veux qu’elle aime aussi les personnages car il n’y a rien de pire que de travailler avec des personnages que tu n’aimes pas. Même moi, lorsque je n’aime pas certains de mes personnages, j’essaie de m’en débarrasser ! (elle rit)

Pour en savoir plus sur Mel Gosselin, c'est par ici ! http://jackysalaberry.com/



Cet article vous a plu ? Partagez-le avec vos amis


Commentaires

comments powered by Disqus
PauseGeek.fr