Interview d’Eric Stuart, comédien de doublage sur Pokemon et Yu-Gi-Oh

En tant qu'auteur-compositeur et interprète, Eric Stuart a participé à des tournées à travers les États-Unis avec des légendes du rock telles que Peter Frampton, Ringo Starr, et Lynyrd Skynyrd. Il a également été la première partie de plusieurs groupes comme Jethro Tull, Julian Cope, Hall & Oates, Chicago, The English Beat, Dave Mason, Steve Howe, John Entwistle, Dave Davies, The Alarm. Tout ça en continuant d'avoir une vie d'acteur de doublage et de directeur couronnée de succès. Depuis plus de 25 ans, il a été la vedette de séries télévisées populaires incluant Pokémon (Brock original, James, Butch, Squirtle, Blastoise, Pokédex), Yu-Gi-Oh! (Seto Kaiba), etc.

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En tant qu'auteur-compositeur et interprète, Eric Stuart a participé à des tournées à travers les États-Unis avec des légendes du rock telles que Peter Frampton, Ringo Starr, et Lynyrd Skynyrd. Il a également été la première partie de plusieurs groupes comme Jethro Tull, Julian Cope, Hall & Oates, Chicago, The English Beat, Dave Mason, Steve Howe, John Entwistle, Dave Davies, The Alarm. Tout ça en continuant d'avoir une vie d'acteur de doublage et de directeur couronnée de succès. Depuis plus de 25 ans, il a été la vedette de séries télévisées populaires incluant Pokémon (Brock original, James, Butch, Squirtle, Blastoise, Pokédex), Yu-Gi-Oh! (Seto Kaiba), etc.

Julie LD : Vous êtes doubleur de voix et musicien. Mais avez-vous commencé le doublage avant la musique ou l’inverse ?

Eric Stuart : J’étais d’abord musicien, au collège, et je jouais un peu de guitare. Et ensuite je suis devenu doubleur, probablement aux alentours de mes 18-19ans. J’ai été musicien à peu près dix ans avant de devenir doubleur.

J. LD : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir doubleur de voix ?

E.S. : Je n’ai jamais voulu devenir doubleur. En fait, je travaillais comme musicien et quelqu’un que je connaissais avait un studio d’enregistrement. Les gens du studio avaient besoin d’un assistant, pour les aider à travailler. Je me suis dit que ce serait cool, parce qu’ils faisaient de la musique et que c’est exactement ce que je voulais faire. Et ce n’est pas ce qu’ils ont fait au final. Ils produisaient des vidéos et des publicités pour la TV, mais seulement pour les voix. Alors j’ai appris depuis « les coulisses », et petit à petit je suis venu moi-même de l’autre côté du micro, et j’ai commencé à doubler. Cela a pris un moment et j’ai vraiment comme trébuché là-dedans ! Ce n’était pas quelque chose que j’avais prévu.

J. LD. : Et vous aimiez déjà les animes et les mangas, avant cela ?

E. S. : J’aimais un anime en particulier quand j’étais enfant, c’était « La bataille des planètes ». C’était un gatchaman japonais. Les personnages disaient « TRANSMUTATION » et ils se transformaient, d’enfants à oiseaux. Leur avion se nommait « Le Phoenix ». Et c’était vraiment un anime très cool. Et l’acteur qui jouait le personnage principal était Casey Kasem, qui faisait la voix de Sammy dans Scooby-Doo. Alors je peux prendre la voix de Casey parfois (parle comme Sammy), et je peux vraiment faire cette voix. Et il faisait le personnage principal, alors étant enfant, je l’imitais. Alors quand j’ai commencé à faire moi-même de l’anime, j’ai repris la même voix pour faire Pierre de Pokemon.

La bataille des planètes créé par Tatsuo Yoshido en 1972
La bataille des planètes créé par Tatsuo Yoshido en 1972

J. LD. : Vous doublez un grand nombre de personnages, sur différents supports (même la publicité !). Est-ce que cela reflète une part de vous-mêmes ?

E. S. : Quand je choisis différentes voix pour les personnages, ce qui ne ressemble pas trop à jouer sur la scène ou dans un film, qui sont des médias filmés, dont on connaît les acteurs (puisqu’on les voit). Mais quand je double, je veux être le personnage que le public connaît. Donc si j’utilise la voix de Sam tout le temps, tout le monde saura que c’est moi et pourra m’identifier. Or je préfère que le public se dise « Oh c’est Seto Kaïba », ou « C’est James de Pokemon ! ». Comme ça, quand ils voient plus tard que c’est moi qui fait toutes ces voix, ils se disent « oh wow ! ». Mais en un sens on brise le mur et on finit par entendre l’acteur et non le personnage. Quand on doit faire l’adaptation d’animes japonais en anglais, on écoute les voix japonaises d’abord. Et même si je ne comprends pas la langue, j’écoute le registre, le ton, et j’essaie d’imiter ça dans mon propre langage.

J. LD. : Mais ce n’est pas simple d’écouter le japonais, car ils mettent beaucoup d’émotions dans leur langue, et certains personnages crient beaucoup…

E. S. : Oui il y a beaucoup de cris dans le japonais. (rigole)

J. LD. : Comment parvenez-vous à rendre chaque personnage unique par votre travail ?

E. S. : C’est en écoutant la version originale et en adaptant à partir de l’original. Et parfois on va à l’encontre de l’original. Par exemple l’humour est assez accessible. Mais ce qui peut faire rire dans un pays ou une ville ne fait pas forcément rire à un autre endroit. J’utilise l’exemple du personnage le plus gros du Japon, qui aurait une voix très grave et profonde. Aux États-Unis il aurait plutôt une voix haute et on l’appellerait Tiny, parce que c’est drôle. Alors parfois on change, selon le pays pour lequel nous travaillons. D’un autre côté j’aime beaucoup travailler sur différents dialectes, accents et registres, alors comme je le disais, on ne me reconnaît pas toujours quand je double un personnage.

J. LD. : Donc vous adaptez le doublage selon le pays ?

E.S. : Exactement.

J. LD. : Et quelle est la différence entre doubler un jeu vidéo, un anime, un film, une publicité ?

E. S. : Alors, commençons par les jeux vidéo, car je suis un gamer moi-même et je joue beaucoup. En fait on prononce la phrase donnée et elle doit être d’une certaine longueur, et cela déclenche quelque chose dans le jeu. Donc même si tu dis « à l’aide ! », cela doit être de dix manières différentes, et la même chose pour des « aahhh ! ». Ce n’est pas le même qui passe constamment, car ce serait ennuyant. Dans l’anime, quand nous adaptons, nous devons suivre le débit de voix. Donc on parle parfois de cette manière ou de cette manière (imite différentes vitesses de débit). Dans certains anime, et par exemple, j’ai doublé Viva Pinata, la technique que nous utilisions était le « prelay ». En fait nous enregistrions les voix en premier, les regroupions, et les envoyions à l’animation. Dans ces cas, nous pouvons travailler plus librement, sans la barrière du « lip-flap » (débit de voix). L’autre chose, c’est que si j’étais un acteur « live », je pourrais utiliser la gestuelle, mes expressions faciales, mais ce que je fais pour animer un film est juste ici (montre sa gorge). Donc on doit vraiment trouver un moyen de mettre toutes nos émotions dans notre voix, sans autre soutien pour les exprimer.

J. LD. : Comment vous mettez-vous dans la peau des personnages que vous doublez ?

E.S. : J’essaie de simplifier, de faire comme si c’était « A, B, C, etc », pour ne pas être perturbé par le jeu, les détails, ou tout ce qui fait partie de l’anime, car c’est vraiment compliqué. Toutes les émotions peuvent être identifiables, reconnaissables, comprises. Je faisais beaucoup de sport à l’école alors si je fais la voix de Kaïba et qu’on est en plein duel dans Yu-Gi-Oh, c’est une compétition alors je simplifie. Je me dis que c’est un face-à-face, comme si on jouait au tennis, plutôt que ce qui se passe derrière la scène. Et puis je suis triste, content, en colère, etc. J’utilise les émotions que je connais, issues de mes propres expériences. Dans ces moments je lis rarement le script en avance, je préfère entendre quelques histoires du personnage, histoire de comprendre de quoi il retourne. Mais la plupart du temps j’essaie de simplifier, car je pense que c’est ainsi que vient l’honnêteté, l’authenticité. La crédibilité vient de l’intérieur, de choses qui me frappent personnellement. Comme ça les gens qui regardent se disent « wow il est vraiment triste ou joyeux », et je suis crédible.

J. LD. : Maintenant, peut-être une question plus « mignonne » : vous sentez-vous proche de vos personnages ?

E. S. : Oui, vraiment proche. Dans mon studio j’ai une petite figurine de Pierre et une autre petite de James, ainsi qu’une toute petite de Kaïba (parce que son ego est immense vous savez). Donc oui, je me sens vraiment proche d’eux. Ces deux anime sont internationaux vous savez, et même si des doubleurs travaillent là-dessus tout autour du globe, c’est la version anglaise qui est la plus répandue. Alors se sentir proche d’eux est vraiment gratifiant. Et je me sens vraiment connecté à ces trois-là. J’aimais beaucoup les filles au lycée, alors forcément Pierre me ressemble sur ce point-là. James, je ne suis pas sûr de pouvoir le comprendre. J’étais dans une école privée, qui était un peu hippie, cool, un peu laxiste, mais nous jouions au foot contre d’autres écoles privées très strictes, du genre uniforme-cravate. Je me moquais de ces lycéens, et James est comme eux, très chic, sérieux.

Eric Stuart incarne Pierre dans Pokemon d'Oriental Light and Magic
Eric Stuart incarne Pierre dans Pokemon d'Oriental Light and Magic

J. LD. : Donc vous pouvez vous sentir proche d’un personnage même s’il est votre opposé ?

E. S. : Oui, mais il n’est pas vraiment mon opposé. C’est un vilain gentil et drôle, et pour moi, les méchants drôles sont plus drôles à jouer. Parce que la comédie c’est cool.

J. LD. : Pour vous il y aurait plus de liberté à jouer ce type de personnage ?

E. S. : C’est plus simple et drôle que jouer le héros, qui est très unilatéral, et reste toujours bon. Mon super-héros favori est Batman, parce qu’il est plus proche du vilain. Il est toujours en conflit, il est complexe, alors que Superman est trop droit, trop prévisible. Quand on n’a que cette ligne directrice pour faire le héros, on doit vraiment creuser pour le rendre intéressant, et appréciable. Alors que des personnages comme le Joker sont plus drôles, imprévisibles, et bouchonnés. Là on peut tout faire.

J. LD. : Heath Ledger faisait cela avec brio d’ailleurs... Peut-être une question plus anecdotique maintenant : vous arrive-t-il parfois de parler avec la voix d’un de vos personnages, sans y faire attention ?

E. S. : Non, ça ne m’arrive pas par mégarde. Mais parfois j’aime bien utiliser la voix de mes personnages en public pour perturber les gens. Il y a longtemps de cela, j’ai fait ça. J’avais déménagé de New York à Nashville, dans le Tennessee, et j’ai été appelé pour être jury. Mais je ne vivais plus à NY et je n’arrêtais pas de les appeler pour leur dire que je n’y vivais plus, et donc que je ne pouvais pas être jury. Mais ils ne voulaient rien entendre. Alors j’y suis allé en personne. Je me suis habillé avec une casquette de baseball, un tee-shirt et je leur ai dit, avec un bon vieil accent du sud « Je vis au Tennessee ! ». Ils m’ont regardé et m’ont dit « ok pas de problèmes ! » en signant mon papier.

J. LD. : C’est un talent assez pratique du coup !

E. S. : Oui, mais le secret c’est qu’on doit garder le personnage parce que tu ne veux pas que ça sonne comme si tu forçais ou si tu te moquais d’eux. Je suis toujours conscient de la voix que je prends, et je fais mon propre choix.

J. LD. : Donc vous ne parlez pas avec la voix de James dans votre vie de tous les jours, par accident ?

E. S. : Non ! (rit) Je pourrais être sarcastique comme Kaïba parfois, mais je ne le fais pas !

Seto Kaïba de l'anime Yu-Gi-Oh!
Seto Kaïba de l'anime Yu-Gi-Oh!, une autre incarnation d'Eric Stuart




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